C’était très certainement la sortie la plus attendue de l’année, au même niveau qu’Elden Ring. Après un God of War exceptionnel en 2018, il y avait un potentiel immense pour continuer la saga nordique de Kratos et Atreus. Une suite est aussi l’occasion de corriger certains défauts du prédécesseur. Quatre ans après le premier, l’euphorie étant retombée, j’avais quelques points cruciaux en tête avant de me lancer dans cette suite. Alors, qu’est-ce que ça donne ? Attention, cet avis contiendra un léger spoiler ne portant pas sur l’histoire mais sur une mécanique de gameplay. Vous êtes prévenus.

God of War Ragnarök est un jeu Yakuza
Je vous l’accorde, cette comparaison est peut-être un peu floue. Je la tiens du test de Gene Park pour le Washington Post et je suis 100 % d’accord avec cette analogie.
Il était évident que le degré de renouvellement des environnements allait être un sujet épineux pour une suite qui se passe au même endroit et à la même époque. Dans Yakuza, les joueurs savent qu’à l’exception d’une nouvelle ville (voire deux si on a de la chance !), on aura des passages inévitables par cette bonne vieille Kamurocho qu’on nous ressert à toutes les sauces depuis Yakuza 1. Dans God of War Ragnarök, la sensation est la même. On a des nouveaux royaumes qui n’étaient pas accessibles dans le premier jeu, mais la narration nous ramène dans des versions modifiées de Midgard, Alfheim ou encore Muspelheim. L’hiver annonçant l’approche de Ragnarök a eu des effets différents selon les royaumes. J’ai apprécié y retourner pour voir les évolutions. Les environnements sont dans l’ensemble beaucoup plus variés que dans le premier jeu, ce qui rend l’effet de familiarité plaisant pour les royaumes déjà visités en 2018.
INSTANT SPOILER. Si vous n’avez pas fait le jeu, cliquez-ici pour passer à la suite !
Étrangement, la ressemblance va au-delà de la réutilisation d’environnements familiers. La structure du jeu se distingue clairement en chapitres pendant lesquels on joue soit Kratos, soit Atreus. C’est un peu à l’image de la dualité Kiryu/Majima dans Yakuza 0. On incarne l’un, puis l’autre, chacun avec son gameplay propre. Chaque personnage visite ses propres endroits et revient avec ses propres évolutions, autant sur le plan de la narration que sur les capacités. Tout ça rend la réunion des deux personnages plus satisfaisante. C’est un point que j’ai grandement apprécié. Au passage, jouez à Yakuza 0. Jouez à tous les jeux Yakuza, c’est un ordre.
Fin du spoil.

Parlons ensuite de la narration. Dans God of War 2018, toute l’histoire tournait autour d’un seul objectif : réaliser le souhait de la défunte mère et amener ses cendres au plus haut sommet des 9 royaumes. Peu importe où l’histoire nous emmenait, il y avait toujours ce fil conducteur qui donnait du sens à nos actions. Dans God of War Ragnarök, c’est plus compliqué. L’objectif est plus passif, en arrière-plan de tous les événements. Il y a plus de personnages, plus d’intrigues à gérer et de très nombreux nouveaux enjeux. L’ensemble est beaucoup plus « pêle-mêle » que son prédécesseur. Ce n’est pas forcément négatif, il faut simplement suivre.
Dans l’ensemble, j’ai été impressionné par ce que cette suite fournit en termes de développement des personnages, de performance des acteurs et de spectacle de manière générale. C’est de très loin mon histoire préférée de cette année. Je ne peux cependant pas passer outre un peu de négatif. Certains instants plus narratifs, quoiqu’utiles à l’avancée de l’histoire, sont extrêmement longs. Enfin, la conclusion est très satisfaisante, mais j’ai trouvé son déclenchement un peu trop rapide. J’aurais aimé en voir plus.
En bref, à l’exception d’Elden Ring, aucun jeu de l’année ne peut s’asseoir à la table de God of War Ragnarök en termes d’histoire. Malgré les quelques défauts structurels, le grand spectacle, les enjeux et les performances incroyables nous tiennent en haleine du début à la fin. Santa Monica Studio a apporté une conclusion satisfaisante à l’histoire nordique de Kratos. Mention spéciale aux quêtes annexes qui développent encore plus les personnages et sont parfois meilleures que l’intrigue principale. Je ne dis pas ça souvent : faites-les.

Un combat plus amusant, mais…
Les principaux défauts de God of War 2018 résidaient dans son gameplay. Des ennemis trop peu variés, un mouvement peu adapté à l’exploration, un système d’amélioration des capacités et des armes trop compliqué et une carte presque inutile, voilà quelques exemples de regrets partagés par beaucoup de joueurs, et sur lesquels je vais m’arrêter pendant ce test.
Commençons par les ennemis. Cet aspect a été grandement amélioré. Chaque royaume a ses ennemis spécifiques, chacun avec des types d’attaques particuliers. Cela force à avoir un style de combat adapté à chacun des royaumes, ce qui est un très bon point. J’ai également trouvé le combat plus nerveux. Les combos entre les différentes armes sont plus simples et plus variés. Malgré l’inévitable répétitivité du gameplay « beat-em-all », je ne me suis pas ennuyé pendant les phases de combat. Mention spéciale aux nombreux boss et mini-boss, excellents pour la plupart et bien plus variés que les 147 trolls de God of War 2018.

Ensuite, le déplacement de Kratos reste très similaire au premier jeu, mais les Lames apportent une dose de verticalité bienvenue qui permet d’avoir des puzzles un peu plus intéressants, mais aussi d’augmenter les possibilités de combos en combat. Pour ce qui est des puzzles, comme le prédécesseur, c’est malheureusement l’aspect du jeu que j’ai le moins aimé. Certains sont intéressants, mais la plupart ne servent qu’à gagner quelques minutes de jeu entre les combats et la narration.
Note : ces puzzles sont d’autant plus rendus inutiles par le fait que God of War Ragnarök souffre de ce que j’appelle désormais le « syndrome du développeur d’exclu Playstation qui a peur que les joueurs n’arrivent pas à finir le jeu ». En effet, si vous avez le malheur de ne pas résoudre le puzzle en quelques secondes, un des personnages qui vous accompagne vous donnera la réponse. C’est bien moins embêtant que dans Horizon Forbidden West, où la protagoniste parle toute seule. Ici, c’est intégré aux conversations, mais vous êtes prévenus…
Le système d’amélioration est une nouvelle fois la grande faiblesse de God of War Ragnarök. Le menu est quasiment identique au premier jeu. Il y a quelques explications supplémentaires qui le rendent à peu près digérable, notamment sur l’intérêt des différentes statistiques, mais je reste convaincu que l’on pourrait se passer totalement d’éléments RPG aussi poussés. Ils n’apportent selon moi aucune valeur ajoutée à un jeu qui se veut pourtant très accessible. Sur ce point, c’est très décevant. Enfin, la carte est identique à celle du premier jeu, difficilement lisible et très peu utilisée au final.

Aparté technique : magnifique, mais…
God of War Ragnarök est sublime sur PS5. Il y a plusieurs modes d’affichage permettant de privilégier la qualité ou la performance. On voit à peine la différence, donc je vous conseille le mode performance pour jouer à 60 images par secondes. C’est fluide et très agréable. Le jeu est superbe, les environnements atteignent un niveau de détail hallucinant. Les couleurs, les sons, les musiques, c’est un vrai régal.
Mais. Oui, il y a un mais. Ce n’est pas un défaut en soi mais plus un regret. On approche de 2023 et God of War Ragnarök aurait pu être enfin une vitrine de la PS5 pour le grand public (Returnal n’étant pas un concept vendeur). Ce n’est malheureusement pas le cas. L’intégration de la manette Dualsense est minime et les « temps de chargement cachés » sont extrêmement nombreux. Les zones sont magnifiques mais elles sont petites. Il faudra très régulièrement passer dans des espaces étroits, ouvrir des grandes portes ou soulever des obstacles pour gagner quelques secondes précieuses qui permettent de charger en douce la zone suivante.
Comme je l’ai dit, ce n’est pas un mal en soi. C’est ainsi que les jeux sont développés, mais je pense du coup que God of War Ragnarök est un jeu PS4 sublimé par la PS5, un jeu PS4+ en quelque sorte. C’est dommage.

En bref, God of War Ragnarök est une suite ambitieuse sur le plan narratif, qui apporte quelques améliorations de gameplay mais reste malheureusement très (trop ?) ancrée à son prédécesseur sur des points qui auraient mérités d’être améliorés. Ce jeu est de très loin la meilleure expérience narrative de l’année. Le combat est amusant mais ralenti par un système RPG bien trop lourd. Je recommande vivement à tous les possesseurs de Playstation, car il s’agit malgré tout d’un grand spectacle que je ne suis pas près d’oublier.